Critique du 24/12/2016

Par Pierre Murat

| Genre. lost highway.

Qu'a-t-elle fait de mal, sinon emprunter, une veille de 14 Juillet, la voiture de son patron pour aller voir la mer. Mais voilГ que, dans les toilettes d'une station-service, un inconnu lui casse le poignet. Et que des tГ©moins, dont un flic, prГ©tendent l'avoir vue, la veille, dГ©jГ au volant de cette voiture, et dГ©jГ le poignet cassГ©. Dany deviendrait-elle folle ?

C'est un dГ©fi qu'ont dГ» relever les deux adaptateurs du superbe roman de SГ©bastien Japrisot. Anatole Litvak en 1970, Joann Sfar en 2015. Comment visualiser un cauchemar. En rГ©vГ©ler trop, c'est tuer le suspense. Ne pas en dire assez, c'est provoquer l'ennui. En fin de carriГЁre, Anatole Litvak n'atteignait que partiellement cet Г©quilibre dГ©licat. Joann Sfar, un peu plus. chez lui, l'absurde devient loi, la logique n'existe plus, la rГ©alitГ© se dГ©robe et l'inconscient rГЁgne. Il rГ©ussit, surtout, l'explication В­finale. une trГЁs belle scГЁne d'amour et de haine, qu'il filme comme une double dГ©livrance. SГ©bastien Japrisot voyait blonde sa dame dans l'auto, avec l'air fragile et dГ©semparГ© d'une Marilyn myope. Curieusement, le cinГ©ma l'imagine rousse. Samantha Eggar, Г la chevelure flamboyante, hier. Freya Mavor (vue dans la sГ©rie Skins ), aux jambes interminables, aujourd'hui. Eggar Г©tait hitchcockienne, avec sa sensualitГ© cachГ©e. Freya Mavor, elle, serait plutГґt В« lynchienne В». Г©rotisme exhibГ© comme une arme fatale. Impossible de les dГ©partager. — Pierre Murat

Critique lors de la sortie en salle le 05/08/2015

Par Pierre Murat

Qu'a-t-elle fait de mal, sinon emprunter, une veille de 14 Juillet, la voiture de son patron pour aller voir la mer. Mais voilГ que, dans les toilettes d'une station-service, un inconnu lui casse le poignet. Et que des tГ©moins, dont un flic, prГ©tendent l'avoir vue, la veille, dГ©jГ au volant de cette voiture, et dГ©jГ le poignet cassГ©. Dany deviendrait-elle folle ?

C'est un dГ©fi que doivent relever tous les adaptateurs du superbe roman de SГ©bastien Japrisot (Anatole LitВ­vak en 1970, Joann Sfar aujourd'hui). visualiser un cauchemar. Jouer autant avec la raison du spectateur qu'avec celle de l'hГ©roГЇne. Les lГўcher tous deux dans un monde oГ№ l'absurde devient loi, oГ№ la logique n'existe plus, oГ№ la rГ©alitГ© se dГ©robe, oГ№ l'inconscient rГЁgne. C'est nettement moins simple que Г§a en a l'air. En rГ©vГ©ler trop, c'est tuer le suspense. Ne pas en dire assez, c'est risquer l'hermГ©tisme, et donc le rejet. Anatole Litvak, en fin de carriГЁre, n'atteignait que partiellement cet Г©quilibre dГ©licat. Joann Sfar, en pleine gloire (Gainsbourg [vie hГ©roГЇque], Le Chat du rabbin en BD et au cinГ©ma), y parvient nettement plus. Certes, il ne peut s'empГЄcher — Г moins qu'on le lui ait expressГ©ment demandГ© — de В­semer, de-ci, de-lГ (comme des flashs, des bulles de bande dessinГ©e), quelВ­ques indices superflus. L'explication В­finale, en revanche, il rГ©ussit brilВ­lamment Г la rГ©duire Г presque rien. une scГЁne, trГЁs belle, d'amour et de haine, qu'il filme comme une double dГ©livrance.

SГ©bastien Japrisot voyait blonde sa dame dans l'auto, avec l'air fragile et dГ©semparГ© d'une Marilyn myope. Curieusement, le cinГ©ma l'imagine rousse. Samantha Eggar, Г la chevelure flamboyante, hier. Freya Mavor (la sГ©rie Skins ), aux jambes interminables, aujourd'hui. Eggar Г©tait В« hitchcockienne В» Г souhait, avec sa sensualitГ© cachГ©e qui ne demandait qu'Г exploser. Freya Mavor, elle, est plutГґt В« lynchienne В». Г©rotisme exhibГ© dissimulant des trГ©sors d'ambiguГЇtГ©. Impossible de les dГ©partager. — Pierre Murat

Sortie le 5 aoГ»t.